https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cest-une-honte-la-communaute-scientifique-sinsurge-apres-la-sortie-du-film-sous-la-seine-sur-netflix-05-06-2024-7WOUPTZ4ABHRNOH4A6MYH4XZPE.phpCiter:
« C’est une honte. Je suis tombé de l’armoire en voyant la bande-annonce », s’emporte Nicolas Ziani. « Sous la Seine », la dernière « méga » production de Netflix est en ligne depuis 9 heures, ce matin et suscite nombre de commentaires sur les réseaux sociaux. Il faut dire que le pitch de ce blockbuster à la française avec Bérénice Bejo en appât, propose un scénario pour le moins original. Paris terrorisée par un gang de requins mako, fortement inspirés du grand blanc des « Dents de la mer », en plein milieu d’une épreuve de triathlon en eau vive rappelant terriblement une épreuve des JO à venir…
Pour le fondateur du Groupe Phocéen d’Étude des Requins, le postulat de ce film d’action spectaculaire, étrillé par le Parisien n’est rien moins qu’un scandale. « C’est de l’apocalypse cognitive. C’est quasiment de la fake news. On importe une problématique qui n’a jamais existé dans l’Hexagone », s’insurge le scientifique à l’égard de ce requin meurtrier. Le dernier « En eaux troubles » mettant en scène Jason Statham est presque plus cohérent », réagit Nicolas Ziani, spécialisé en ichtyologie marine, furieux. Les dents de l’amer en quelque sorte.
« Il existe bien sûr des espèces euryhalines, comme les requins gris qui se sont adaptés à de l’eau saumâtre, pas tout à fait de l’eau douce, comme dans le Gange », nous confirme le spécialiste. On appelle « euryhalines » les espèces qui supportent des variations de salinité et de température. Le requin bouledogue bien connu des Réunionnais peut lui aussi naviguer entre eau salée et eau « douce » et peut parfois attaquer l’homme, qu’il confond souvent avec des tortues ou des veaux de mer. Mais cela reste une exception au genre.
« Il ne survivrait pas deux jours dans les eaux de la Seine »
« Mais le grand requin blanc est une espèce extrasensible, il ne survivrait pas deux jours dans les eaux de la Seine même sans pollution. Cela n’a rien à voir avec l’exemple récent du Béluga », s’émeut encore Nicolas Ziani. « Ce film donne une image de catastrophisme qui est de l’ordre de la démence. Il n’a aucune crédibilité scientifique même s’il entoure son sujet d’un vague message écologique presque de l’ordre de la propagande », s’inquiète cet amoureux transi des squales.
Le scientifique note que le grand requin blanc est en danger d’éradication, et en particulier sa déclinaison « hexagonale », aperçu que trop rarement sur nos côtes. Le dernier exemple date de l’été 2022 près de l’embouchure du Rhône d’ailleurs et pas de la Seine.
Le film de Xavier Gens véhicule un message alarmant scientifiquement comme le soulignent d’autres spécialistes auprès de nos collègues de Numerama. « Le danger du requin est très surestimé, précise Typhaine Coste, médiatrice scientifique à l’Aquarium de Paris. Par exemple, en 2023, 69 attaques de requins ont été recensées et seulement 10 ont été mortelles et, tout ça, dans le monde entier ». De quoi relativiser le danger en effet. Même son de cloche pour Nicolas Ziani. « Dans le biotope hexagonal, il existe 75 espèces de requin qui ne représentent aucun danger pour l’homme », assure-t-il encore.
Ce dernier ironise même sur un budget colossal de 20 millions d’euros qui aurait pu servir la cause des requins au lieu de la desservir. « La recherche pour mieux connaître nos requins hexagonaux est à l’agonie pendant ce temps-là », conclut-il, la dent dure.
Je mets ça là, comme on a déjà échangé sur des sujets similaires...
J'avoue, je comprends un peu ce que veux dire le scientifique (même si clairement, d'une point de vue cinématographique,
Les Dents de la Mer reste un must en matière de mise en scène horrifique, et qu'il y a un paquet de films de genre qui s'en inspirent, encore maintenant) mais... franchement... est-ce qu'il croit sincèrement qu'il y a des gens pour croire "réellement" qu'il peut y avoir des requins dans la Seine ?...
(que l'on risque furoncles et gastro-entérites à barbotter dedans, oui, sans aucun doute, mais des requins...
)
Moi rien que le pitch, je me suis dis que c'était une série Z (a priori, pas terrible, mais bon, que le film soit bon ou mauvais, c'est même pas la question. Parce qu'un nanar mauvais, ça peut être marrant aussi, à prendre au second degré), un nanar sur une histoire improbable, voire limite parodique.
Le gens ne savent donc plus faire la différence entre une fiction, une histoire qu'on s'invente sans autre finalité que "tiens ça sera marrant/ça ferait bien peur/bien pleurer comme histoire" et la réalité biologique/scientifique première ?
Qu'on fasse tout ce foin, et de plus en plus d'ailleurs, pour tout et n'importe quoi, autour de création... me fait surtout craindre pour la liberté de créer, d'imaginer, de tourner, d'écrire etc... et je trouve ça assez effrayant en fait. Pour ma part, le caractère de "démiurge" d'un auteur ou d'un cinéaste me semble au contraire plus précieux que tout. Parce que c'est ce qui nous permet, encore, de penser "en dehors des boîtes", et je n'en peux plus de ces gens qui veulent qu'on pense "dans des boîtes". (et je ne parle pas que de science, je parle de morale, de politiquement correct, de bienséance etc... Heureusement que de grands créateurs, auteurs, et mêmes hommes politiques, penseurs, ou même scientifiques justement etc... on su, à un moment donné, penser "hors de la boîte"... ).
J'en peux plus aussi de cette recrudescence de "1er degré" aussi. Tout à l'air sérieux, grave, politique, binaire... pffffiou. A croire qu'il n'y en a qui ne connaissent plus l'ironie, le second degré, l'onirisme, la métaphore, la dimension du mythe... ce fil tendu quelque part dans un espace indéfini entre le "vrai" et le "faux", le "peut-être pas tout à fait vrai, bien au contraire", le "vrai à un niveau de lecture, faux à un autre, ou inversement"... ces incertitudes de brouillard un peu grisonnant, qui nous laisse de l'air et de la liberté dans nos esprits, justement parce qu'on ne sait plus quoi penser qui serait "juste" au regard des autres, de l'extérieur, de la société...
Depuis quand une fiction peut être qualifiée de "fake news" ?... ce n'est pas une "news" du tout. C'est une histoire. ça sort de la tête de quelqu'un et c'est juste là pour ça : créer et stimuler l'imagination des autres.
A ce moment là, Harry Potter aussi, c'est une fake news : si vous tentez de sauter d'une fenêtre à califourchon sur un balai, vous risquez fort de vous éclater la tronche sur le trottoir.
(d'ailleurs, c'est amusant l'origine du mythe de la sorcière et du balai tout ça).
Jouer avec ce qu'on l'on connait, pour l'amener ailleurs, c'est justement le principe du genre fantastique... Personne n'a dit à Bram Stocker que son Dracula était une fake news, ou à Mary Shelley que le Docteur Frankenstein ne pouvait pas créer un monstre avec des bouts de cadavres, en vrai...
Quand au budget, je comprends l'idée mais bon... les fonds n'ont juste rien à voir les uns avec les autres non plus. (et puis, est-ce qu'on reproche aux films Marvel de coûter des centaines de millions de dollars par films, alors qu'on aurait pu faire des tas d'autres choses avec cet argent ? A ce moment là, c'est la totalité du fonctionnement de l'industrie cinématographique qu'on peut remettre en cause. On peut le faire, mais c'est un autre débat...)