Ar Soner a écrit:
Disons que c'est le genre de chose dont il serait plus facile de parler de vive voix autour d'une bière (ou d'un thé, ou d'un liquide potable quelconque). Déjà, parce qu'à l'écrit, cela ferait un très long post et que le temps me manque cruellement en ce moment. Et d'autre part, parce que sur Internet, non seulement les écrits restent, mais en plus ils sont publics et visibles de tous, en particulier des visiteurs non inscrits sur le forum.
Je comprends tout à fait.
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Bref, je suis probablement un peu paranoïaque mais je pense que je vais vraiment passer mon tour et garder ça pour une autre fois. Pour notre future rencontre IRL, par exemple. Ou pour ma prochaine incarnation, si on n'arrive jamais à se voir en chair et en os...
Si on parvient à mettre en place l'option 1, pense bien à choisir ton costume de reconnaissance, surtout. Je te rappelle que
Magog et moi sommes déjà au point.
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Mais malgré tout, je reste fidèle à mon rasoir de Hanlon : si j'estime que le racisme n'est pas évident, je préfère partir sur de la simple bêtise humaine.
D'une part, pour des raisons de prudence intellectuelle.
D'autre part, et là c'est un choix politique, parce que je pense que voir du racisme, du sexisme, de l'homophobie... partout, y compris là où ils ne sont peut-être pas, finir par rendre fou, aigri ou complètement haineux. On vit probablement mieux en étant un peu naïf ou ignorant ; ou tout du moins, on dort mieux la nuit.
Ca aussi, je le comprends. En tant qu'éternelle optimiste, j'ai quand même envie d'opposer que ça peut
aussi créer des choses très chouettes: par exemple l'envie de se "battre" pour un monde meilleur et pour faire changer les choses, une révolte saine, une plus grande conscience des souffrances des autres et donc plus d'attention, de compréhension et "d'empathie" (même si je n'aime pas trop ce dernier terme, dans le sens où je ne crois pas à l'empathie réelle et profonde, puisque je crois qu'on projette toujours - d'une manière ou d'une autre - son propre vécu sur le ressenti de l'autre), et
tutti quanti. Et je ne sais pas si ça rend tant les gens fous et/ou haineux (même si je crois que tu as raison et que c'est une possibilité non-négligeable) que très tristes et malheureux (ce qui revient peut-être un peu au même au fond parfois, cela dit).
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Cette fidélité au rasoir de Hanlon ne signifie pas pour autant que je disqualifie et balaye d'un revers de la main toute accusation de racisme, sexisme, etc. Il y a un certain nombre de cas où il est beaucoup plus exigeant pour moi — cognitivement parlant — d'envisager de la triste et banale méchanceté plutôt que d'y voir un authentique acte de discrimination. Par exemple : un homosexuel qui se fait traiter de pédale dans la rue. Un noir qui se fait refouler à l'entrée d'un restaurant alors que les autres gens non racisés passent sans problème. Etc.
Il est certain qu'il y a des cas qui prêtent beaucoup moins à confusion que d'autres.
Du reste, je crois que ce qui peut surtout poser problème à certains dans cette vision systémique des choses (dont tu as raison de rappeler qu'elle est parfaitement documentée), c'est que l'on s'arroge le droit de penser à leur place.
Je m'explique: il m'est déjà arrivé d'entendre des propos tendancieux et de le faire remarquer. Et plusieurs fois, on m'a opposé que je me trompais, que pas du tout, que l'intention n'était pas celle-là, etc. Or, je maintiens que ce que j'entendais était raciste, ou sexiste (par exemple). (Ce qui, au passage, ne veut en aucun cas dire que je réduisais la personne en face à un-e raciste ou à un-e sexiste. Juste que son propos à ce moment-là l'était). Mais le plus souvent, si la personne refusait de l'admettre, j'ai eu l'impression que ce n'était pas tant par mauvaise foi que parce qu'elle ne voyait absolument pas en quoi ce qu'elle disait pouvait être perçu comme discriminant. Du coup, non seulement c'est forcément un peu violent à entendre, mais en plus, ça montre à quel point la définition du racisme/du sexisme, etc., n'est pas la même pour tous. Nous mettons nos limites à des endroits différents, limites qui dépendent en bonne partie de notre vécu et de notre interprétation du monde.
Ici, j'aurais voulu trouver un exemple concret, mais je n'y parviens pas, là, tout de suite. Du coup, pour illustrer un minimum, je me contenterai d'évoquer le truc classique de la discrimination positive. Je suppose qu'on a toutes et tous déjà entendu des choses du genre "les noirs courent vite" ou "les arabes sont forts en mathématiques" ou que sais-je. La personne qui prononce ces mots à l'impression de dire un truc positif et ne voit pas qu'elle est en train de naturaliser un comportement en fonction d'une origine ou d'une couleur de peau. Et même si elle finit par le voir, elle pourra t'objecter que "quand même, les différences culturelles existent bel et bien et que ce n'est pas un problème que de le reconnaître", se risquant ainsi à généraliser des comportements qui, lorsque tu les remets en perspective, n'ont en fait aucun fondement
le plus souvent (ce qui ne veut donc pas dire que ça n'en a strictement jamais).
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Mais je réalise bien que ce point de vue est très loin de faire consensus, en particulier pour des militants ou des gens directement concernés par le problème. J'ai quasiment failli me brouiller irrémédiablement avec la personne qui partage mon toit, le jour où j'ai exposé cette conception personnelle des choses...
Non, ça ne fait pas consensus, en effet. Et ce que tu décris ensuite est malheureusement assez fréquent (mais si vous avez surmonté ça, c'est un excellent point pour votre relation!). Me concernant, je me suis déjà accrochée assez sérieusement avec une copine sur des sujets un peu similaires (je ne détaillerai pas ici, pour les raisons que tu exposais justement plus haut - trop long, trop délicat, etc.) et elle comme moi l'avons assez mal vécu. Parce que, comme dit plus haut, ce sont ici des interprétations différentes du monde qui sont en jeu, et ça donne l'impression aux personnes en présence que leur réalité est niée (or, c'est toujours violent comme sentiment, cela pour les deux parties).
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Sur un cas isolé et sans élément probant, c'est beaucoup plus compliqué de dire s'il s'agit vraiment de racisme ou non.
Oui, et ça l'est justement parce que le racisme (ou le sexisme) systémiques présupposent que ce sont des mécanismes insidieux qui entrent en jeu. Le caractère caché fait qu'il est forcément délicat de faire la part des choses. Chaque élément pris isolément pourrait donc être interprété comme anecdotique, mais c'est lorsque tu connectes tout que ça commence à faire vraiment sens (voire, à crever les yeux). Mais il est vrai qu'au milieu de cette myriade d'indices et de détails, il en est très certainement qui n'ont rien à voir avec la choucroute et qui ne sont ni racistes ni sexistes. Reste que ça demeure très compliqué à démontrer et qu'il est quasiment impossible de faire la part des choses. C'est donc là, généralement, que l'on finit par
choisir et
décider de l'analyse qui nous semble la plus pertinente par rapport à ce que l'on sait. Mais il faut bien garder à l'esprit que ça reste une décision, et non une vérité absolue et souveraine.
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Oui, je sais que les faux souvenirs d'agression sexuelle existent. Je le sais d'autant mieux que j'ai une ancienne amie qui a été concernée par le problème (autant te dire que ça a été un épisode très traumatique de sa vie, pour elle comme pour sa famille...). D'abord, j'aimerais savoir à quel point c'est fréquent ou pas. A-t-on des chiffres là-dessus? L'article de
France info dit que c'est loin d'être isolé, mais on n'en sait pas beaucoup plus. J'ai tendance à penser (peut-être à tort) que si ça existe indéniablement, ce n'est peut-être pas non plus si fréquent que ça? Ce qui serait corroboré par le fait que les recherches féministes disent qu'il y a peu de fausses déclarations.
En retour, j'ai envie de te parler, au contraire, des amnésies traumatiques qui conduisent de nombreuses victimes à oublier qu'elles ont été violées ou agressées.
Du coup, si on met en balance les faux souvenirs et les vrais souvenirs oubliés, je me dis qu'on arrive toujours, par la porte ou par la fenêtre, à la même réalité: il y a beaucoup (trop) d'agressions sexuelles un point c'est tout.
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L'idée n'est donc pas tellement de dire aux victimes : « On ne vous croit pas », mais plutôt : « Désolé, la Justice ne demande qu'à vous croire, mais elle nécessite d'autres preuves pour aller plus loin et valider tout cela officiellement ».
Oui, mais sachant que même une preuve reste de toute façon sujette à interprétation. L'appréciation de chacun peut varier. Combien d'exemples a-t-on, dans les affaires médiatisées, de sms envoyés qui, pour les uns, sont de simples échanges entre adultes consentants, tandis que pour d'autres, il s'agit de preuves manifestes d'ascendance et d'emprise sur la victime? Là encore, on voit bien à quel point tout ça est
aussi lié à des questions d'interprétation et de regard posés sur le monde (dès lors que l'on sort du registre des preuves un tant soit peu évidentes en tout cas).