Elle n'a que deux ans mais fait déjà beaucoup parler : Colossal, entreprise américaine de biotech, promet de répondre au problème "colossal" de l'extinction des espèces, en les ressuscitant. Mammouth laineux, loup de Tasmanie, et désormais dodo. Elle a levé pour cela plus de 200 millions de dollars.

Aujourd’hui, on s'intéresse à une entreprise, qui fait beaucoup parler d’elle depuis sa création, en 2021 : Colossal. Américaine et basée à Dallas, cette entreprise annonce la couleur sur son site internet : « L'extinction est un problème colossal auquel le monde est confronté. Et Colossal est l’entreprise qui va le résoudre ».

Son projet, c’est la désextinction, une solution (dont on a déjà parlé dans l’émission) à la disparition certaine de 50 % des espèces sur Terre d’ici 2050 dit-elle, avec des présentations ultra futuristes, des vidéos dignes d’un film d’action américain : « ces dernières années, l’humanité a fait d’énormes progrès dans la compréhension de l’ADN et le domaine de la génétique ». Il parle du système CRISPR en particulier, ces ciseaux Nobélisés qui permettent de couper, modifier des génomes. Et la vidéo enchaîne : « En combinant ces technologies génétiques modernes avec de l’ADN ancien de mammouth, récupéré sur des spécimens congelés, permet la désextinction du mammouth laineux »

Et ils affirment que réintroduire les mammouths laineux dans leur habitat d’origine en Arctique aidera à rééquilibrer ces habitats et ralentir ou même inverser les dommages faits par le changement climatique. Restaurer le passé pour un meilleur avenir. Colossal veut donc ressusciter, en quelque sorte, le mammouth laineux, disparu entre 8 000 et 1 650 ans avant notre ère, cela en combinant son génome avec celui de l’éléphant d’Asie, qui en partagerait 99,6 %. Objectif : réussir à avoir un mammouth en 2027…

Et ce n’est pas tout ! Il y a aussi dans la liste le loup de Tasmanie, rayé comme un tigre, et disparu, lui, dans les années 30. Ou encore (c’est pour ça qu’on a beaucoup reparlé de Colossal ces derniers jours) le dodo, cet oiseau emblématique de l’océan Indien qui ne volait pas et qui fut décimé à la fin du 17ème quand les marins ainsi que les rats ont débarqué.

La paléo-généticienne en chef de Colossal, Beth Shapiro, que j’ai essayé d’avoir au téléphone, en vain, a expliqué il y a quelque temps à la Royal Society qu’elle avait séquencé le génome à partir d’un spécimen du musée zoologique de Copenhague, au Danemark : « Le génome du dodo est séquencé entièrement, c’est nous qui l’avons fait… Et on a trouvé qu’il était très proche de celui d’un pigeon appelé « pigeon de Nicobar », très joli pigeon présent dans tout l’océan Indien »

L’entreprise veut même essayer d’éviter l’extinction des oiseaux en général… Et des espèces plus globalement. Le fondateur, un généticien d’Harvard, annonçait déjà il y a 10 ans qu’il était possible que la biologie synthétique empêche les écosystèmes de perdre de la diversité, qu’elle pourrait même faire revenir des espèces éteintes, et créer de nouvelles espèces, qui augmenteraient la diversité au-delà de ce qu’on a jamais connu…

Certains peuvent être effarés de ce mélange science-technologie, Colossal est d’ailleurs très copain avec Elon Musk, car en effet, des questions éthiques se posent. Mais l’entreprise assure que tout se base sur des publications scientifiques, et que tout cela sera bénéfique. Dans La Terre au Carré, nous avions reçu les chercheurs Lionel Cavin et Nadir Alaverez, spécialistes du sujet de la désexctinction lors de la parution de leur livre « Faut-il faire revivre des espèces disparues ? » il y a pile un an et voilà ce qu’ils disaient : « Alors, il ne faut juste pas que ça soit du “joujou”. C'est ça l'idée pour nous, des cas de désextinction sont justifiables si ils sont intégrés dans des projets beaucoup plus vastes de réensauvagement et de protection de l'environnement. Il s'agit en aucun cas de faire des bêtes de foire comme celles montrées dans les zoos. Ça pose forcément la problématique de l'habitat de cette espèce. Et aujourd'hui, évidemment, la désextinction doit forcément être associée avec une réflexion autour des espaces, du réensauvagement. Et on ne va pas mettre un petit dinosaure carnivore ou un moa sur un balcon ou dans un zoo. »

En faire des espèces parapluie, qui vont permettre à d’autres d’avoir un habitat. Mais quid des risques, notamment les interactions avec d’autres espèces, la réapparition de pathogènes, ou même un scénario à la Jurassic Park ? « C'est le cadeau de Prométhée, c'est toujours la même chose. Il y a un côté qui est intéressant, puis un côté qui est dangereux. Mais bon je pense que c'est très difficile de lutter contre ça. »
Mais au moins tout ça permet d’y réfléchir, disait-il en évacuant un peu la réponse, et du côté Colossal, ils ont aussi leurs arguments : « Ce projet pousse justement les gens à penser à l’extinction qui est en cours » Colossal a levé, en moins de 2 ans, plus de 200 millions de dollars. Et beaucoup aimeraient que les soi-disant amis de la nature et de la technologie, dont fait aussi partie, je le précise, l’ancien producteur de Jurassic Park, investissent plutôt cette somme colossale dans la protection, de tout le vivant actuel .

avec des présentations ultra futuristes, des vidéos dignes d’un film d’action américain