Ar Soner a écrit:
En ce qui me concerne, j'avoue tout à fait me contenter d'un
« ce point-là est expliqué en détail dans le livre »... peut-être parce que
Les Mots, la Mort, les Sorts et
Désorceler figurent désormais sur ma liste des livres à acheter.
Vous l'aurez remarqué: je ne suis pas douée
du tout pour l'exercice de synthèse. En ne rapportant pas certaines choses, j'ai toujours peur de passer sous silence l'essentiel et de ne pas rendre justice au livre. Mais bon. Je vais voir comment je peux procéder. Au pire est-ce que la solution du forum "secret" conviendrait?
Citer:
Je suis un peu étonné cependant de voir Favret-Saada créditée comme l'inventrice d'une certaine démarche d'ethno-anthropologie (celle qui consiste à se glisser parmi les enquêtés sans parler et sans poser de question, de façon à réduire les biais liés à la présence de l'enquêteur,)
Ce n'est pas ce que j'en ai compris. Pour ma part, j'ai compris que l'auteure partait du principe, réel et sincère, qu'elle n'y connaissait rien en sorcellerie et qu'en conséquence, elle ne s'est jamais mise en position de "sachante" face à ses enquêtés. En gros, elle avait avec eux un rapport d'égal à égal et c'est ça qui était novateur pour l'époque*. Cela d'autant plus que ça a permis que des langues se délient plus facilement et qu'on lui parle, ce qui ne serait probablement pas advenu si elle s'était présentée comme une "savante". (Notons au passage que certains ont d'ailleurs accepté de s'entretenir avec elle justement parce qu'ils n'avaient pas compris qu'elle était ethnologue: en gros, c'était un malentendu). Ce n'est donc pas une histoire de biais mais une histoire de posture.
(*Plus encore, Favret-Saada est allée jusqu'à entrer dans le processus avec ses enquêtés. Elle n'était donc plus extérieure à son sujet d'étude, mais partie prenante. Et ça aussi c'était très nouveau pour l'époque et ça eu des effets intéressants (et inconnus jusque-là) sur son terrain).
Citer:
De même, il me semble que d'autres spécialistes se sont détournés des destinations exotiques et se sont intéressés à la France rurale avant elle, mais je manque de références sous la main.
Idem ici, ce n'est pas comme ça que j'ai compris les choses. Ce qui est dit — je crois — dans le docu, ce n'est pas que personne ne s'était jusqu'alors intéressé à la France rurale, mais que tous ceux qui jusqu'à présent (
i. e. à l'époque du bouquin, dans les années 70 donc) avaient voulu étudier des sujets tels que la sorcellerie étaient allés pour cela dans des pays ou sur des continents considérés comme "exotiques". Parce que d'après eux, en (très) gros, la sorcellerie, ça n'existait pas "chez nous": on était sans doute et supposément trop "intelligents" et pas assez "arriérés" pour ça. L'originalité des travaux de Favret-Saada réside dans le fait que l'auteure est parvenue à montrer que "l'exotisme" était
partout, et qu'il n'était pas uniquement le fruit de continents lointains. Pour résumer: nul besoin d'aller en Afrique, par exemple, pour étudier ces phénomènes. Il n'y a pas d'un côté les peuples "évolués"/"rationnels"/"sachants" et de l'autre... les autres. Ca a sûrement l'air de relever de l'évidence quand on écrit ça aujourd'hui mais, à l'époque, je pense que c'était loin d'être aussi communément admis.
Là encore, on sent — en filigrane et de manière sous-jacente — une vraie idée de l'égalité entre les hommes et les peuples. Ce n'est pas pour rien que l'autrice s'est par ailleurs passionnée — dans d'autres de ses études — pour les questions de violence et de rapports de force/de pouvoir.