Metronomia a écrit:
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Je n'ai pas encore lu le papier dans son intégralité (la faute à l'anglais) mais si j'ai bien compris les toutes premières lignes que j'ai parcourues, cela s'expliquerait notamment par le fait que la chirurgie est toujours une spécialité assez majoritairement masculine et donc qu'il existe des biais liés au genre dans la façon de penser et d'agir des chirurgiens.
Je suppose que cette étude mériterait d'être recoupée et qu'elle comporte probablement ses propres biais mais c'est tout de même un constat assez intéressant, voire franchement glaçant.
J’ai pris le temps de lire en entier l’article du Guardian mais j’aurais préféré lire l’article scientifique originel dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), malheureusement ce dernier est en accès payant et n’est donc disponible que sous forme de résumé. Du coup, malgré les chiffres donnés dans ce résumé, plus détaillés que dans l’article du Guardian, il est impossible de se faire une idée précise de la méthodologie statistique employée par les auteurs de l’étude pour arriver à ce résultat.
Admettons cependant, en se basant sur cette étude réalisée sur un échantillon de 1,3 million de personnes, qu’une femme ayant subi une opération importante par un chirurgien ait un risque de décès post-opératoire supérieur de 32% à ce qu’il serait si elle avait été opérée par une chirurgienne (et de +15% pour une complication avec retour à l’hôpital). Voilà bien un résultat très choquant et préoccupant, qui nécessiterait sans doute (et d’urgence, s’il est confirmé par d’autres chercheurs !) des investigations plus poussées afin d’en élucider le mécanisme sous-jacent, comme en concluent les auteur(e)s de l’étude. Cela dit, ce résultat semble plutôt contre-intuitif en première analyse : la chirurgie étant un acte avant tout technique, et la formation technique des chirurgiens et des chirurgiennes étant rigoureusement la même, comment expliquer une telle corrélation de genre patient-chirurgien(ne) dans les suites post-opératoires ?
L’une des auteures de l’étude avance pour cela les trois éléments d’explication suivants :
1. L’existence de biais liés au genre dans la façon de penser et d'agir des chirurgiens ;
2. Des compétences relationnelles et une qualité de communication plus évidentes entre patientes et chirurgiennes lors des entretiens pré-opératoires, qu’entre patientes et chirurgiens (même si l’auteure ne le pas dit comme ça…) ;
3. Un mode de travail, de jugement et de prise de décision différent entre hommes et femmes.
Il est probable qu’une telle corrélation morbide constatée entre le sexe de la personne qui a opéré et l’excès de complications post-opératoires ou de décès constatés chez les femmes opérées par un chirurgien plutôt que par une chirurgienne, résulte d’une combinaison subtile de ces facteurs, pour peu toutefois qu’on se donne la peine d’en préciser les termes. Ce qui est sûr, à mes yeux, c’est que l’argument relationnel évoqué en 2 est déterminant. Je suis en l’occurrence intuitivement certain que dans leur grande majorité, des patientes en instance d’opération auront inconsciemment davantage confiance en une chirurgienne qu’en un chirurgien…pour tout un tas de raisons (bonnes ou mauvaises, c’est un autre sujet) sous-entendues de façon nébuleuse aux points 1 et 3. Dès lors, ce biais cognitif présent chez les patientes en instance d’opération par un chirurgien, se traduisant par un stress souvent non avoué, pourrait bien selon moi avoir comme conséquence, d’un point de vue psychosomatique, une diminution sensible de leurs capacités de récupération post-opératoire, avec toutes les suites néfastes signalées dans l'étude (aggravation de l'état de santé, retours à l'hôpital et décès dans le pire des cas). C’est en tout cas l'une des explications qui m’est venue après lecture de l’article, mais qui reste probablement sujette à débat.