Metronomia a écrit:
Ar So: comme dit, je n'ai pas du tout regardé la conf en entier pour l'instant, d'où le fait que j'ai sûrement caricaturé un peu les positions du chercheur (dont je ne doute pas qu'elle soient plus détaillées et nuancées). Je n'ai fait que résumer les 10 minutes que j'ai mises en exergue plus haut et pour le coup, je n'ai pas l'impression d'avoir trahi le propos, si?
A la lecture de ton résumé, je m'attendais presque à ce que Berlivet aille jeter à la poubelle tous les héritages de la génétique du début du 20ème siècle parce qu'ils proviennent d'individus eugénistes, et défendre l'idée que le débat "nature vs culture" était nul et non avenu puisque tout pourrait
in fine s'expliquer par la culture.
Attention : je ne dis pas que c'est ce que tu as effectivement écrit, mais c'est comme ça que je l'ai interprété (en caricaturant un peu) dans mon petit cerveau. J'aurais dû cependant me douter que Berlivet aurait des propos plus nuancés : les chercheurs défendant (ou qui pourraient défendre) ces points de vue radicaux sont assez rares. Je pense surtout que je lis beaucoup de trop de débats abscons sur Twitter et que cela a fini par me retourner le cerveau...
Metronomia a écrit:
...je ne suis pas sûre de voir l'intérêt de continuer à biologiser des questions. Par exemple, et pour expliciter mon positionnement, si je reprends l'exemple des violeurs, si l'on est d'accord pour dire qu'un environnement moins mysogine et machiste jouerait très probablement favorablement sur le nombre de viols commis dans une société donnée, je ne vois plus trop l'intérêt de rechercher si le viol pourrait être dû à un gène x ou y ou à un taux x ou y d'hormones (pour caricaturer) puisque l'on sait que les bons outils politiques pourraient en grande partie (mais peut-être pas totalement il est vrai) éradiquer les violences faites aux femmes?
En fait, je vais le dire autrement: bien sûr que le biologique a certainement un rôle (je pense par exemple ici aux questions d'identité de genre ou à l'orientation sexuelle, dont j'ai bien l'impression qu'on ne les choisit pas mais que l'on doit faire avec ce que la nature nous a donné). Donc ce n'est pas avec le biologique en tant que tel que j'ai un problème mais bien avec les explications biologiques qui voudraient réduire des comportements à cette question en laissant penser qu'elle serait déterminante, alors qu'elle me semble au fond assez périphérique.
Mais comment savoir si les explications biologiques sont périphériques, ou non-existantes, ou prépondérantes, si on ne les a pas étudiées scientifiquement ?
Les comportements humains sont la résultante d'une emmêlement inextricable de facteurs touchant au biologique, au culturel, au psychologique... et je ne vois pas pour quelle raison on devrait se priver des apports d'une discipline scientifique (qu'il s'agisse d'une science "dure" ou d'une science humaine) pour les étudier.
Par ailleurs, quelle que soit la réponse scientifique qu'on apporte à ces questions, la réponse politique n'a pas à s'aligner dessus. Science et politique sont deux choses différentes qui n'ont pas les mêmes objectifs ; la première vise à produire du savoir (et rien de plus, chose qu'on a un peu tendance à perdre de vue), et la seconde peut ou non s'appuyer sur ce savoir pour fixer des règles de vie dans la société.
Ainsi pour reprendre ton exemple, quand bien même on mettrait en évidence qu'il existe bien une composante biologique au viol, rien n'empêcherait pour autant de mettre en place les outils sociaux pour lutter contre la culture du viol (qui existe indéniablement, il y a suffisamment de données sur le sujet pour en être sûr). Je ne vois même aucune raison pour laquelle une société qui veut lutter contre les violences faites aux femmes devrait s'en priver. Est-ce que ça serait suffisant ? Je n'en sais rien, mais on aurait tort de ne pas le faire dans tous les cas.
Ce qui t'embête fondamentalement, si j'ai tout bien compris, c'est le risque de dérive : la possibilité que des données scientifiques de ce type puissent être récupérées pour "essentialiser" les êtres humains et justifier des comportements, ou justifier qu'on ne mette pas en place les politiques sociales appropriées (à quoi bon lutter contre la culture du viol si le viol est partiellement inscrits dans la biologie des hommes ?).
J'ai tendance à adopter le parti-pris (certainement discutable) qu'il existe une distinction entre le savoir produit par la science, l'interprétation qui est faite de ce savoir, et les applications pratiques qu'on lui donne. Un savoir fondamental n'est ni positif ni négatif en soi, et s'en priver
a priori par crainte qu'il soit mal utilisé me semble non seulement un peu absurde, mais aussi inutile : les réactionnaires et conservateurs n'ont pas besoin d'avoir des preuves scientifiques d'une potentielle composante biologique au viol pour déjà chercher à nier la culture du viol.