... quelques remarques. L'article ne manque pas d'intérêt, parce qu'il traite d'une période importante et intéressante de la genèse du phénomène ovni, mais il ne manque pas non plus d'imprécisions.
Citer:
Durant sa mission, il aperçoit neuf objets brillants qui évoluent de manière étrange dans le ciel. Ils montent presque à la verticale et retombent en piqué à la vitesse d’environ 1000 miles à l’heure.
Pas du tout : Arnold décrit un vol en palier, hormis cette bizarrerie de trajectoire qu'il compare au mouvement de soucoupes ricochant à la surface de l'eau, et qui n'a rien à voir avec le mouvement que décrit Trotmany. Il y a un monde entre une série de ricochets et les oscillations de grande amplitude suggérées dans l'article.
Nombre de cas ufologiques gagnent, grâce à ce genre de déformation involontaire, une étrangeté qu'ils n'avaient pas forcément au départ. Cela contribue à pérenniser des mythes qui n'ont parfois plus lieu d'être. Soyons vigilants.
Citer:
Le lendemain, son histoire est rapportée dans la presse. Un des rédacteurs baptise ces objets volants hors normes « soucoupes volantes ».
Détail moins important : ce n'est pas tout à fait exact. L'article original de l'
East Oregonian décrit en fait très correctement le mouvement rapporté par Arnold. La déformation en "soucoupe volante" est le fait d'un autre titre et sans doute postérieure de quelques jours.
Citer:
A la suite de l’affaire Arnold et de quelques autres cas semblables, l’aviation américaine décida, en 1947, de créer une commission d’enquête qui prit le nom d’ATIC (Air Technical Intelligence Center).
L'ATIC n'est pas créé spécifiquement pour enquêter sur les soucoupes volantes, en fait il existe déjà. S'il prend ce nom en 1947 (avant il s'agit de la
Technical Intelligence Division), c'est simplement parce que les forces armées sont complètement réorganisées cette année là, l'armée de l'air devenant un service autonome (c'était jusque-là une branche de l'armée de terre).
Citer:
Dans sa lettre, le directeur affirmait que les phénomènes signalés étaient réels.
Il affirmait également qu'au moins une partie d'entre eux pouvait résulter de méprises, ce que nombre d'exégètes du fameux "mémo Twining" passent volontiers sous silence. J'ai heureusement eu l'opportunité de le rappeler au journaliste Nicolas Montigiani. Vous lirez ça dans le prochain
Science et inexpliqué.
Citer:
Dès sa création, les membres du projet se divisèrent en deux groupes. Le premier réunissait ceux qui croyaient fermement à l’existence des objets et pensaient qu’ils venaient d’autres planètes. Le second était composé de gens qui rejetaient ces idées. Ce qui explique les déclarations souvent contradictoires des dirigeants de l’USAF ainsi que la succession de décisions et de mesures prises par des personnages représentant les deux tendances. Ces tendances antagonistes vont perpétuer sans cesse un climat d’extrémisme intellectuel, qui va s’attacher durablement à l’ufologie.
Résumer la valse hésitation de l'USAF à un simple antagonisme "j'y crois, j'y crois pas" me paraît un poil trop schématique. Il faut aussi tenir compte du contexte politique interne à l'USAF, national, et international. En résumé : les "soucoupes volantes" apparaissent au moment de la prise d'autonomie de l'USAF ET de la prise de conscience du risque nucléaire. La nouvelle arme se doit donc de justifier son statut en remplissant sans faille sa mission - contrôler l'espace aérien US - parce que la moindre faiblesse peut conduire le pays à être rayé de la carte. Or, les ovnis sont une épine dans le pied de l'Air Force : celle-ci ne peut avouer publiquement qu'il existe dans l'espace aérien US quelque chose dont elle ignore la nature - donc qu'elle ne contrôle pas. Que ce soient des zitis ou des méprises ne change d'ailleurs rien à l'affaire. Sur les ovnis, l'USAF est ignorante, médiocre et impuissante : allez dire aux contribuables que les gens censés les protéger de l'holocauste nucléaire et des communistes sont inefficaces !
Ceci explique l'intérêt de l'USAF pour le problème : il fallait le régler, découvrir sa nature, pour que la nation retrouve/garde confiance en son armée (et continue à ne pas broncher quand le Congrès lui attribue des rallonges budgétaires, accessoirement). Pour cela, deux possibilités furent tour à tour envisagées et alternées au fil des changements d'organigramme et des événements : enquêter scientifiquement sur les ovnis pour découvrir ce qu'ils sont, ce qui est long et coûteux ; ou alors se faire discret en espérant que si on cesse d'en parler les ovnis (et les désagréments qu'ils génèrent) disparaîtront. La deuxième est nettement moins chère et plus rapide à mettre en oeuvre. Je vous laisse deviner laquelle a fini par prendre le dessus.
Citer:
En juillet 1948, l’ATIC remet un rapport définitif au Pentagone.
Ce rapport n'avait pas la prétention d'être "définitif". C'était au contraire un travail intermédiaire, une "estimation de la situation".
Citer:
(5% des 5700 cas enregistrés)
D'où viennent ces statistiques ? Elles ressemblent plus à celles utilisées pour informer la commission Robertson, en 1953.
Sign n'avait certainement pas autant de cas à sa disposition, ne serait-ce que parce qu'il n'existait pas encore de réseau de collecte systématique des témoignages. D'autre part, eu égard aux méthodes très artisanales des enquêteurs en 1948, le pourcentage d'inexpliqués était sans doute notablement supérieur (même
Grudge n'était pas descendu plus bas que 23% fin 1949).
Citer:
De nombreux auditeurs, pris d’hystérie collective, inondent d’appels la radio afin de donner une confirmation visuelle de l’invasion extraterrestre !
En fait, l'hystérie prétendument provoquée par cette émission relève en grande partie du mythe, une légende créée dans les semaines qui ont suivi par une habile campagne de promotion de Welles lui-même et de la CBS. En revanche, les généraux de l'USAF d'après-guerre, Vandenberg en tête, ont gardé en mémoire cette version exagérée des événements, qu'ils ont effectivement invoquée à propos des ovnis. Pour eux, l'hystérie potentielle était un facteur de déstabilisation dangereux pour la défense du pays, fût-elle imaginée à partir d'un exemple enjolivé.
Citer:
« Nous ne sommes par parvenus à fournir des explications pour 23% des témoignages analysés. Cependant, nous sommes convaincus que chacun d’eux peut être expliqué car nous ne croyons par à l’existence des soucoupes volantes. »
Pas que je sache, non. Les gens de
Grudge était certainement des busards, mais pas à ce point, je pense. Cette formule est due à Ed Ruppelt, qui l'a employée pour résumer l'état d'esprit général du rapport. Mais je ne crois pas qu'il s'agisse d'une citation extraite de celui-ci.
Citer:
En juin 1951, le général Charles Pearre Cabell, directeur des services de renseignements de l’aviation militaire, confia au capitaine Ruppelt de procéder à une étude sur le problème des OVNI.
C'était en septembre, après l'incident de Fort Monmouth, et l'officier en charge était Jerry Cummings, pas encore Ruppelt.
Citer:
Ainsi naquit un nouvel organisme qui fut appelé Groupe des Phénomènes Aériens (Aerial Phenomena Group) qui devient, le même mois, le Projet Livre Bleu (Project Blue Book).
Non plus.
Blue Book ne prend ce nom qu'en mars 1952. Auparavant, c'est le
Nouveau Projet Grudge.
Citer:
Dans la dernière partie de leur déclaration, sous le titre « Recommandations », ils proposaient, contrairement à ce que Ruppelt attendait, que l’on renforce les moyens du programme Livre Bleu
Merci de rétablir cette vérité ! Cela change de la désinformation constante que certains auteurs, comme François Parmentier par exemple, véhiculent sur le comité Robertson (essentiellement aprce qu'ils confondent ses recommandations avec le compte-rendu qu'en fera à la CIA Frederick Durant, membre du comité très hostile à celles-ci, en 1955).
Je ne puis aller plus loin car j'ai une partie de SSTR en ligne, mais, dans l'ensemble, malgré ces petites erreurs, cet article est de bonne qualité.