Machines anatomiques de Raimondo Di Sangro |
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Deux cadavres humains du XVIIIème siècle conservés par un procédé mystérieux et exposés dans une chapelle de Naples
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Raimondo di Sangro
Naturaliste, philosophe, astronome, poète, écrivain, scientifique, Raimondo di Sangro (30 janvier 1710 - 22 mars 1771) est surtout connu comme l'un des plus grands alchimistes italien du XVIIIème siècle.
Officiellement autorisé à lire les livres interdits par l'Eglise, il s'intéresse à de nombreuses matières, dont les métaux et les textes ésotériques des indiens du Pérou.
Parlant de nombreuses langues, nous lui devons, entre autres, un fusil à chargement rapide, préfigurant l'invention de Lefaucheux, un canon en alliage de fer (ceux existants jusque là étant essentiellement en bronze), un tissu imperméable, des couleurs plus vives pour les feux d'artifice, une presse pouvant imprimer en quatre couleurs, un véhicule amphibie, un procédé pour colorer le marbre blanc, lui donnant l'éclat des pierres précieuses...
Passionné d'immortalité, Raimondo di Sangro tente aussi de redonner vie à des cadavres. Bien qu'il n'y soit parvenu à notre connaissance, il découvre le moyen de faire brûler des crânes humains sans que ceux-ci soient consumés.
Septième prince de la lignée de Sansevero, il appartint à la loge maçonnique? napolitaine dont il fut Grand Maître.
Cependant, menacé d'une censure papale et accusé d'avoir trahi l'ordre maçonnique, sa famille fit disparaître la plupart des objets, oeuvres et travaux du prince en rapport avec l'occultisme. Ne subsistent dans la crypte de la chapelle familiale, à Naples, que les squelettes d'un homme et d'une femme dont les veines, les organes et les viscères ont été conservés intacts par un procédé chimique resté longtemps inexpliqué.
Les machines anatomiques
Les machines anatomiques, telles que les a surnommées Raimondo di Sangro lui-même, sont deux corps humains, un homme et une femme, totalement désincarnés, et mettant en évidence leur système sanguin entier (artères, veines et capillaires) tels des tables anatomiques. Elles ont d'ailleurs été conçues comme des objets d'étude, et auraient été réalisées par Domenico Giuseppe Salerno, médecin anatomiste de Palerme, sous la direction de Raimondo di Sangro. Un contrat signé entre di Sangro et Salerno, et encore détenu par un notaire de Naples en attesterait.
Le procédé utilisé a également permis la conservation des os et des organes les plus importants.
Leur identité n'est pas connue, mais il est supposé qu'il s'agit de deux serviteurs du Prince, de collaborateurs occasionnels ou d'inconnus dont les cadavres furent récupérés dans la campagne environnante.
La légende autour des machines anatomiques raconte que les corps seraient ceux de deux personnes assassinées pour les besoins de l'expérience, mais cette affirmation ne peux pas être vérifiée. A Naples, nombre de personnes se signent encore à l'évocation du nom de Raimondo di Sangro, considéré comme un monstre.
Les deux corps, enchâssés dans des présentoirs.
Le squelette de la femme est le mieux conservé. Il a d'ailleurs été placé sur un socle tournant. Le cœur est entier ainsi que les globes oculaires. La bouche contient encore les veines de la langue.
La femme était enceinte. Le placenta, visible à ses pieds, garde la forme d'un fœtus, dérobé dans les années soixante. Comme chez sa mère, le crâne de ce bébé conservait le réseau sanguin.
L'homme présente les mêmes caractéristiques, à peu de chose près. Cependant, les vaisseaux sanguins sont absents du crâne et s'arrêtent à la hauteur des genoux. Les pieds ont disparu, soit qu'ils n'aient pas été conservés, soit qu'ils se soient détachés, entraînant peut-être les veines des jambes.
Certains auteurs doutent que ce soit Raimondo di Sangro qui ait réalisé les machines anatomiques. Une légende veut même que le corps de l'homme soit le prince lui-même, sa mort, attestée en 1771, étant due à un empoisonnement accidentel lors d'une expérience.
Pourtant, une lettre de sa main, datée de 1766 dissipe tout doute à ce sujet puisqu'il y parle de sa réalisation : On voit deux "machines anatomiques", plus précisément deux squelettes d'un homme et d'une femme, dans lesquels on peut observer toutes les veines et toutes les artères d'un corps humain, durcies par injection, et dont on peut dire, du fait qu'elles sont restées intactes et de par la finesse de leur exécution, qu'elles sont uniques en Europe.
A noter que le Comte de Saint-Germain se réclama des travaux de Raimondo di Sangro, bien qu'il ne l'ai jamais rencontré. Mais il voyagea en compagnie du cousin du prince pendant quelques années.
Le procédé
La famille Sansevero, qui est l'actuelle propriétaire de la Chapelle, s'est longtemps montrée réticente à l'examen des corps. La seule source d'information a donc longtemps consisté en d'anciennes observations réalisées dans les années cinquante. Bien que leurs conclusions n'aient pas été diffusées et les résultats connus que partiellement, ces observations affirmaient ...que le système sanguin entier, à l'analyse, s'est révélé métallisé, c'est à dire imprégné et a gardé un sixième des métaux déposés...
Deux hypothèses prévalaient alors. Toutes deux impliquaient que le couple ait été vivant ou récemment décédé au moment où l'expérience a été tentée par le docteur Giuseppe Salerno :
- un empoisonnement progressif : Les deux personnes auraient, jour après jour, ingéré ou inhalé une substance chimique. Cependant, la position du bras droit de la femme semble esquisser un geste de défense, laissant entendre qu'elle a pu le libérer d'éventuelles sangles et que la mort a été très rapide. Mais en l'absence de notes relatives à l'expérience, il pourrait tout aussi bien s'agir d'une volonté délibérée de di Sangro de présenter le corps dans cette position.
L'absence d'estomac renforce cette idée chez certains chercheurs, estimant que c'est une façon de dissimuler le produit utilisé, et donc le crime. - une injection d'un produit chimique, probablement à base de Mercure ou d'un produit d'embaumement, qui aurait durci ou métallisé le sang (ou l'appareil sanguin lui-même), ce qui expliquerait que sa diffusion jusque dans les vaisseaux capillaires ait été aussi parfaite. Toutefois, la seringue ne sera officiellement inventée qu'en 1841 par Charles Gabriel Pravaz, les médecins ne disposaient jusqu'alors que de clystères plus grossiers.
Cependant, une étude effectuée en 2008 par des chercheurs de l'Institut d'Archéologie de l'University College de Londres a permis d'apporter une autre hypothèse explicative et de résoudre le mystère des machines anatomiques. Des échantillons ont été prélevés sur différents types de vaisseaux sanguins ; ils se sont révélés après analyse être composés de fibres de soie et de petits câbles métalliques enrobés de cire de couleur.
Les deux squelettes, qui eux sont bien réels, seraient donc recouverts d'un réseau sanguin artificiel, constitué d'une trame de fils de soie et de métal recouverts de cire. L'étude ne précise pas en revanche la nature des organes conservés à l'intérieur des corps : sont-ils faux, ou s'agit-il au contraire d'authentiques organes embaumés ?
Le fait que les machines anatomiques de Raimondo di Sangro puissent être partiellement artificielles n'ôte cependant en rien leur caractère extraordinaire : pour atteindre un tel réalisme, ces œuvres ont nécessité une extraordinaire finesse d'exécution ainsi qu'une grande connaissance de l'anatomie humaine.
Il est également important de noter que les machines anatomiques de Naples ne sont pas uniques en leur genre. On peut ainsi citer les célèbres écorchés du français Honoré Fragonard (1732 - 1799), à l'origine fabriqués dans un but didactique pour les étudiants en médecine, puis pour orner les cabinets de curiosités de certains amateurs fortunés ; ou les écorchés sculptés dans la cire de l'italien Felice Fontana (1730 - 1805).
Avec les machines anatomiques de Raimondo di Sangro, ces "préparations" s'inscrivent dans le développement de la médecine de l'ère moderne et témoignent des connaissances extrêmement pointues en anatomie des savants de l'époque.
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Traduction anglaise : Anatomical machine
Localisation : Chapelle Sansevero (ou Santa Maria della Pietà) à Naples, Italie, Europe
Date : Vraisemblablement entre 1763 et 1764
Sources et liens complémentaires :
- It.Wikipedia.org [it]
- En busca de la edad de Oro [es]
- Le Macchine anatomiche [it]
- Raimondo di Sangro: Principe di San Severo e delle tenebre [it]
- Museo Cappella Sansevero [en]
Bibliographie :
- Les phénomènes inexpliqués (page 40), Sélection du Reader Digest 1983
- La Perle et le croissant, "l'Europe baroque de Naples à Saint Petersburg" par Dominique Fernandez.
- En busca de la edad de Oro [Es] par Javier Sierra
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Mise en ligne : 15/01/10
Dernière modification : le 10/07/12 à 17:37
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