Reich, Wilhelm |
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Médecin et psychanaliste autrichien, inventeur de l'orgone
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Wilhelm Reich (1897 - 1957) était un médecin et psychanalyste autrichien. Ancien poulain de Sigmund Freud, Reich laissa une marque durable dans la discipline en proposant de nombreuses théories et nouvelles approches.
A partir des années 30 et jusqu'à sa mort, Wilhelm Reich se dévoua presque entièrement à l'étude de l'orgone, une énergie cosmique qu'il prétendait avoir mise en évidence.
Wilhelm Reich, pris en photo dans les années 40
Personnage controversé, voire sulfureux (Reich a souvent été mêlé à des affaires de moeurs), Wilhelm Reich est encore cité à l'heure actuelle dans la littérature conspirationniste ou New-Age comme un exemple de savant précurseur injustement incompris.
Les théories de Reich sur l'orgone ont été popularisées après sa mort par certains de ses disciples ou des entrepreneurs comme Don Croft. Ces théories n'ont cependant jamais pu être démontrées et sont considérés unanimement comme relevant de la pseudo-science dans les milieux scientifiques.
N.B. : pour un descriptif détaillé de la théorie de l'orgone, des différentes produits dérivés, ainsi que des critiques qui lui sont faites, on se reportera à l'article qui lui est consacré.
Carrière en Europe
Wilhelm Reich est né en 1897 à Dobzau en Ukraine (alors dans l'empire austro-hongrois), dans une famille de paysans juifs non pratiquants. Son enfance fut difficile : sa mère se suicida alors que Reich n'avait que 13 ans, après que le jeune Wilhelm ait dénoncé à son père la liaison qu'elle entretenait avec son tuteur.
Après avoir participé à la Première Guerre Mondiale dans l'armée austro-hongroise, Wilhelm Reich obtint son diplôme de médecine à l'Université de Vienne en 1922.
Reich rencontra Sigmund Freud en 1919 ; les deux hommes se firent mutuellement une forte impression, et Reich devint rapidement le protégé de Freud. Sigmund Freud incita ainsi le jeune homme à démarrer des consultations de psychanalyse (alors même qu'il n'était pas encore diplômé), puis l'aida en 1924 à devenir assistant directeur du Vienna Ambulatorium, une clinique de psychanalyse accueillant les patients externes de Freud. Plus tard en 1927, ce fut encore Freud qui poussa à la reconnaissance de Reich au sein de la Société Psychanalytique de Vienne.
Les années 1920 virent l'ascension du jeune homme, qui devint rapidement une personnalité du monde de la psychanalyse viennoise : conférencier apprécié et loué pour ses qualités d'orateur, il écrivit de nombreuses publications et livres qui furent bien accueillis par ses pairs. En 1924, outre son poste au Vienna Ambulatorium, Reich devint également directeur de l'enseignement de l'Institut de Psychanalyse de Vienne.
Photographie de Wilhelm Reich dans les années 1920
Wilhelm Reich s'intéressait particulièrement à la sexologie, et il avait fait de l'orgasme un de ses chevaux de bataille. Reich est ainsi à l'origine du concept de « capacité orgastique » (capacité d'une personne à jouir sans entrave ni inhibition). Marchant dans les traces de Freud qui concevait la libido comme une sorte d'énergie vitale dont l'excès ou le défaut dans le corps humain était l'origine de problèmes mentaux, Reich pensait que de nombreux troubles de santé et même des problèmes de sociétés (comme le fascisme) provenaient de déséquilibres de l'orgasme à un niveau collectif.
Reich s'intéressait également au comportement sexuel des enfants et des adolescents. Enfin, dans les années 30, il publia de nombreuses études sur les personnalités anti-sociales ou psychopathes.
En 1933, Reich publia Charakteranalyse: Technik und Grundlagen für studierende und praktizierende Analytiker, dans lequel il développait la théorie de cuirasse caractérielle (Charakterpanzer) : l'idée que les frustrations, les tensions émotionnelles et les souvenirs réprimés de l'enfance pouvaient s'accumuler dans l'organisme et avoir une influence sur son développement, par exemple, en entraînant diverses douleurs corporelles ou tics comportementaux. Ainsi, Reich attribuait le cancer de la mâchoire de Freud à sa cuirasse caractérielle plutôt qu'à sa dépendance au tabac.
Ses théories poussèrent Reich à développer une nouvelle forme de psychanalyse qu'il nomma végétothérapie, se basant sur des massages et des contacts exercés sur le corps de ses patients pour « casser » leur cuirasse caractérielle et provoquer en eux des vagues de plaisir libérateur que Reich nommait réflexe orgasme.
Ses méthodes étaient tout à fait novatrices, à une époque où la psychanalyse prohibait tout contact entre le patient et son analyste, ce dernier se devant de garder une distance prudente vis-à-vis du patient.
Engagement social et disgrâce en Europe
Suite à l'observation d'émeutes populaires durement réprimées par les forces de l'ordre en 1927, Reich s'engagea dans le Parti Communiste. Partant du constat que les névroses avaient souvent une origine socio-économique, il entreprit de réconcilier les idées marxistes avec la psychanalyse.
Reich mit également sa science au service du peuple : il participa ainsi à la création de 6 cliniques sur Vienne dispensant gratuitement des conseils psychanalytiques ou de sexologie. Au volant d'une camionnette aménagée, il allait dans les banlieues et quartiers pauvres pour réaliser des cours d'éducation sexuelle auprès des adolescents ou distribuer des contraceptifs aux femmes. Son idée était de prévenir les névroses d'origine sexuelle, plutôt que de devoir les traiter après coup comme le faisaient ses collègues psychanalystes.
Cependant dès les années 30, ses propos concernant la sexualité des adolescents, ses prises de positions en faveur de l'avortement, ses méthodes de psychanalyse peu orthodoxes... lui valurent de nombreuses attaques, aussi bien du Parti Communiste dont Reich était pourtant adhérent que des autorités nazies : Hitler venait alors d'être élu chancelier et Reich était installé en Allemagne.
Reich fut également rejeté par la communauté des psychanalystes : Charakteranalyse dut être publié à compte d'auteur, son contrat avec la maison d'édition ayant été annulé. Puis Wilhelm Reich fut finalement exclu de l'Association Internationale de Psychanalyse en 1934, Anna Freud - la fille de Sigmund - menant la charge contre Reich .
Devenu persona non grata, Reich voyagea dans divers pays entre 1933 et 1938 au gré des visas qui lui étaient accordés (parfois sous un nom d'emprunt) : Danemark, Suède, Norvège...
Micro-photographie de supposés bions prise par Wilhelm Reich
(Source : James E. Strick)
A son arrivée en Norvège en 1934, Reich poursuivit ses études en explorant ses théories sous l'angle de la biologie : il cherchait dorénavant à mettre en évidence la nature bio-électrique de l'orgasme et de la libido.
Reich prétendit avoir découvert au cours de ses essais des formes lumineuses microscopiques dans divers milieux de culture, qu'il affirmait avoir également identifiées dans l'atmosphère en observant le ciel nocturne avec un télescope primitif. Il appela ces formes lumineuses des bions, des structures rudimentaires faisant selon lui le lien entre les êtres vivants et la matière inanimée. Reich formalisa ses théories sur les bions et sur leur influence dans l'apparition du cancer, et les publia en 1938 dans Die Bione: Zur Entstehung des vegetativen Lebens (« Les bions : à l'origine de la vie végétative »).
Les affirmations de Reich sur les bions et le cancer furent très fortement critiquées par la communauté médicale, en Norvège et ailleurs dans le monde. Si le visa de Reich fut renouvelé par les autorités norvégiennes (essentiellement pour lui éviter d'avoir à retourner en Allemagne où l'attendait la Gestapo), il lui fut cependant interdit d'exercer la psychanalyse dans le pays.
Emigration aux Etats-Unis et découverte de l'orgone
Avec l'aide de plusieurs de ses sympathisants américains qui lui obtinrent un visa et un poste à la New School for Social Research de New-York, Wilhelm Reich émigra aux USA le 19 août 1939... moins d'un mois avant que la guerre n'éclate, le 3 septembre 1939.
Bien qu'isolé et moralement usé par les controverses qu'il avait suscitées en Europe, Reich n'en continua pas moins ses expérimentations sur les bions dans les tumeurs cancéreuses.
Peu de temps après être arrivé aux Etats-Unis, Reich observa certains phénomènes à proximité de ses milieux de cultures à bions : brûlures cutanées, impressions de plaques photographiques, chargement des objets en électricité statique... ce qui le conduisit à postuler l'existence d'une énergie cosmique omniprésente et source de vie : l'orgone (jeu de mots sur la racine org de "orgasme", avec le -one de "ozone").
Une patiente dans un accumulateur d'orgone (reconstitution par la FDA)
A partir de cette découverte, Reich se voua corps et âme à l'étude de cette énergie, créant une nouvelle discipline qu'il nomma orgonomie.
Il construisit notamment des sortes de cages de Faraday pour examiner les vapeurs et lumières d'orgone produites lors de ses expérimentations sur des animaux de laboratoire. Il développa ensuite ce système en mettant au point des accumulateurs d'orgone : des sortes de grandes « boîtes » supposées concentrer l'orgone en leur intérieur et ainsi permettre la guérison de maladies telles que le cancer ou la schizophrénie. En décembre 1940, Wilhelm Reich mit au point dans sa cave le premier accumulateur d'orgone à taille humaine et commença à en tester les effets sur des patients.
Rencontre avec Einstein
Wilhelm Reich eut l'occasion de rencontrer Albert Einstein dans sa maison de Princeton en janvier 1941. Reich exposa ses théories sur l'orgone à Einstein et lui laissa un petit accumulateur d'orgone. Einstein se prêta au jeu et réalisa une expérience consistant à mesurer la différence de température entre le milieu ambiant extérieur et l'intérieur de l'accumulateur ; selon les dires de Reich, la température devait être plus élevée à l'intérieur de l'accumulateur du fait des propriétés de l'objet. Einstein observa effectivement une différence de température, mais il l'attribua à un gradient de température naturel au sein de la pièce et dans une lettre de réponse de février 1941, il disait à Reich qu'il considérait le problème comme résolu.
Photographie d'Albert Einstein dans les années 40, période de sa courte collaboration avec Reich
Reich continua à envoyer régulièrement des lettres à Einstein pour le faire changer d'avis, avançant que d'autres tests réalisés avec des accumulateurs enroulés dans une couverture, placés dehors ou même enfouis dans le sol avaient bel et bien donné des résultats troublants. Albert Einstein ne répondit plus aux courriers de Reich, jusqu'à ce que ce dernier le menace de publier au grand jour leur correspondance. Einstein expliqua alors à Reich dans un dernier courrier qu'il ne pouvait pas lui accorder davantage de temps et il lui demanda de ne pas utiliser son nom pour faire la promotion de ses théories sur l'orgone.
Wilhelm Reich publia malgré tout la correspondance entretenue avec Albert Einstein en 1953, dans un livre nommé L'affaire Einstein. Reich resta persuadé qu'une conspiration était à l'oeuvre et qu'on avait forcé Einstein à se détourner de ses travaux sur l'orgone.
Création de l'Orgonon et des cloudbusters
Quelques années après son installation aux Etats-Unis, la réputation sulfureuse de Reich recommença petit à petit à émerger : des rumeurs tenaces affirmaient qu'il avait été interné dans un asile psychiatrique ou qu'il pratiquait la médecine sans licence.
Reich perdit son emploi à la New School en mai 1941, après avoir affirmé dans un courrier au directeur de l'établissement qu'il avait réussi à sauver des patients du cancer au cours d'expérimentations avec ses accumulateurs à orgone.
Le centre d'étude Orgonon, où Wilhelm Reich passa sa vie à partir de 1942. Orgonon est à l'heure actuelle un musée consacré à l'oeuvre du psychanalyste
(Source : StellarKid)
En novembre 1942, Wilhelm Reich acheta une ancienne ferme à Dodge Pond près de Rangeley dans le Maine, dans l'intention dans faire un centre d'étude de l'orgone. Il appela l'endroit Orgonon ; il s'y installa avec quelques-uns de ses partisans et l'étendit au cours des années suivantes en y faisant construire un laboratoire, un observatoire...
A partir des années 50, Reich accrut son influence dans certains milieux intellectuels ou artistiques américains, très réceptifs à ses théories sur la libération par l'orgasme. De nombreuses célébrités comme Sean Connery, Allen Ginsberg, Jack Kerouac, J. D. Salinger, William S. Burroughs... eurent l'occasion de tester ou d'acquérir un accumulateur d'orgone, puisque Reich les vendait ou les louait à ses patients.
En 1950, Wilhelm Reich lança l'expérimentation ORANUR (Orgonotic Anti-Nuclear Radiation) : il plaça dans un de ses accumulateurs une aiguille de radium isolée dans du plomb, l'objectif étant de déterminer si l'orgone pouvait compenser les effet délétères des radiations.
L'expérience fut un échec et certains assistants de Reich furent irradiés en raison du manque de précautions prises dans l'isolation de l'aiguille radioactive.
En 1951, Wilhelm Reich affirma avoir découvert une forme d'orgone qu'il nomma Deadly Orgone Radiation (« Radiations mortelles d'orgone » ou DOR), qui selon lui jouaient un rôle dans le climat. Reich mit au point un appareil nommé cloudbuster (« éclateur de nuages »), sorte de grande « antenne » capable de débloquer les flux d'orgone et de faire tomber la pluie.
Reich réalisa de nombreux expériences de ce qu'il appelait cosmic orgon engeneering (« ingénierie d'orgone cosmique ») avec le cloudbuster, dont certaines à la demande d'agriculteurs dont les cultures étaient menacées par la sécheresse.
Wilhelm Reich avec un de ses cloudbusters dans les années 50
Démêlées avec la justice et décès
Reich fut à nouveau au centre de l'attention publique en avril 1947, quand la journaliste Mildred Brady publia un article très critique sur les théories de Reich dans plusieurs journaux tels que Harper's et The New Republic.
L'article attira l'attention des autorités américaines ; la Food and Drug Administration, organisme fédéral chargé de la santé publique, mena une enquête sur Reich et conclut qu'elle avait affaire à une fraude de première importance.
La FDA continua à suivre les activités de Reich entre 1947 et 1952. L'attention dont il était l'objet rendait Wilhelm Reich furieux : il était convaincu que la FDA était à la solde des communistes, mais entretenait l'illusion que le président Eisenhower le protégeait et que l'US Air Force patrouillait régulièrement au dessus d'Orgonon pour s'assurer que tout allait bien.
La justice américaine émit le 19 mars 1954 (à l'issue d'une audience à laquelle Reich refusa de se présenter) une injonction ordonnant la destruction de tous les accumulateurs d'orgone et stoppant la publication de certains de ses livres.
L'injonction eut un effet dévastateur sur la santé mentale de Reich, qui sombra encore davantage dans la folie et la paranoïa.
Reich affirma voir des vaisseaux spatiaux (qu'il décrivait comme de grands cigares pourvus de fenêtres) voler au dessus d'Orgonon, laissant derrière eux des traînées noires de Deadly Orgone Radiation pour empoisonner l'atmosphère. Reich acquit la conviction que la Terre était attaquée par des forces extraterrestres (qu'il appelait Ea, pour « Énergies Alpha ») ; il passait ses nuits à scruter le ciel avec son téléscope à la recherche de vaisseaux ; lorsqu'il pensait en avoir trouvé un, il dirigeait vers lui une version modifiée du cloudbuster (nommée spacegun) pour en aspirer l'énergie. Dans son livre Contact avec l'espace (1956), Reich clamait ainsi avoir déjà abattu plusieurs aéronefs et empêché une invasion de la Terre à grande échelle.
Carte d'enregistrement du détenu Wilhelm Reich au pénitencier de Lewisburg, en 1957
Malgré l'injonction, Reich continua à commercialiser des accumulateurs d'orgone avec l'aide de certains de ses sympathisants. La justice américaine le condamna le 7 mai 1956 à deux ans de prison ; il fut forcé de détruire à la hache les 3 accumulateurs qui restaient à Orgonon en présence d'agents du FDA. Enfin, près de 6 tonnes d'exemplaires de ses livres, journaux et articles scientifiques (y compris des ouvrages de psychanalyse publiés par Reich dans les années 30 avant qu'il ne découvre l'orgone) furent incinérés, aux frais de Reich.
Wilhelm fit appel de la décision de la Cour mais ses requêtes furent rejetées et il fut envoyé à la prison fédérale de Lewisburg.
Le 7 novembre 1957, quelques jours avant sa libération de prison, Wilhelm Reich fut trouvé mort dans sa cellule. On attribua son décès à une insuffisance cardiaque. Reich fut enterré dans un caveau à Orgonon.
Héritage et influence postérieure
Postérité des théories de Reich
- Apport à la psychanalyse et influence sociale
Les écrits de Reich antérieurs aux années 30 et ses travaux (notamment ceux sur l'orgasme) sont encore étudiées de nos jours dans le cadre de la psychanalyse ou de la sexologie.
Si la végétothérapie n'est plus pratiquée que de façon anecdotique aujourd'hui, ses théories sur la cuirasse caractérielle ont donné naissance à diverses pratiques de « psychothérapie corporelle » comme la Gestalt-thérapie ou influencé d'autres disciplines comme l'intégration posturale de Jack Painter ou la thérapie du cri primal.
La vision libérée de la sexualité que défendait Wilhelm Reich eut une forte influence sur les travaux des intellectuels postérieurs et Reich est parfois considéré comme une des personnalités à l'origine de la révolution morale des années 60 et 70.
L'injonction prononcée par la justice américaine à l'encontre de la théorie sur l'orgone et en particulier la destruction par le feu des ouvrages de Reich en 1956 sont encore considérés comme l'un des pires exemples de censure au XXème siècle dans un pays démocratique.
- Modernisation des théories sur l'orgone
Indignés par la censure exercée par la justice américaine sur les travaux de Wilhelm Reich, des éditeurs new-yorkais republièrent les principaux ouvrages de Reich à partir des années 60.
Des sympathisants et anciens disciples de Reich continuèrent ses travaux sur l'orgone après sa mort : le docteur Elsworth Baker lança ainsi en 1967 le magazine Journal of Orgonomy et initia la création du American College of Orgonomy en 1968. Deux autres organismes dédiés à l'étude de l'orgone furent fondés : le Orgone Biophysical Research Laboratory en 1978 par James DeMeo, et le Institute of Orgonomic Science en 1982 par Morton Herskowitz.
Malgré cela, les travaux de Reich sur l'orgone tombèrent dans un oubli relatif dans les années 80 et 90, en dehors d'un petit cercle de sympathisants.
A la fin des années 90, l'entrepreneur Don Croft reprit à son compte les théories de Reich sur l'orgone. Il publia sur internet en mars 2001 divers plans d'artefacts dont le fonctionnement repose sur l'orgone : orgonite (sorte de résine mêlée de minéraux et de particules métalliques, supposée capter l'orgone), chembusters (variante du cloudbuster, supposée annihiler l'influence négative des chemtrails)... avant d'en faire le commerce.
Les montages de Don Croft rencontrèrent un certain succès et de petites communautés d'enthousiastes se créèrent à travers le monde.
Différents objets en orgonite, une matière dérivée des théories de Reich sur l'orgone
(Source : CosmickTraveler)
La théorie de l'orgone telle qu'elle est envisagée actuellement par ses sympathisants est une version simplifiée et remise au goût du jour des idées de Reich?, incorporant des éléments de la théorie de la conspiration (autour des chemtrails ou du projet HAARP), du New-Age et des médecines alternatives.
L'orgone s'est également vu attribuer de nombreuses propriétés miraculeuses absentes des idées de Reich, comme celles de pouvoir dépolluer les milieux naturels ou de réveiller les capacités surnaturelles latentes de l'être humain. En revanche, le caractère "sexuel" de l'orgone très présent dans la théorie originale est le plus souvent complètement évacué.
Le personnage
A l'instar d'autres personnages comme Nikolas Tesla, la littérature conspirationniste et New-Age présente Wilhelm Reich comme un modèle du stéréotype du scientifique génial mais incompris, dénigré par l'establishment scientifique et dont les recherches altruistes ont été effacées de façon à ce qu'elles ne puissent pas profiter à l'Humanité.
Il est parfois avancé que Reich a dû fuir l'Allemagne nazie pour se réfugier aux Etats-Unis (ce qui ne correspond pas à la réalité, comme on l'a vu précédemment) ; ou que Reich avait rédigé lors de sa détention un traité sur l'énergie libre qui ne fut jamais retrouvé, le décès de Reich étant en réalité un assassinat camouflé en mort naturelle.
Les quelques échanges ayant existé entre Albert Einstein et Wilhelm Reich sont également souvent mis en avant pour valider l'existence de l'orgone, bien qu'Einstein ait rapidement pris ses distances avec les théories de Reich.
Wilhelm Reich, pris en photo dans un laboratoire dans les années 40
Les biographies modernes de Wilhelm Reich ont dressé un portrait nuancé du personnage. Reich était effectivement un homme en avance sur son temps sur les questions d'éducation sexuelle, avec une vision originale de la psychanalyse... mais hanté par sa propre libido (Reich avait régulièrement des aventures avec ses patientes, chose normalement complètement interdite par le code éthique des psychanalystes) et à la santé mentale précaire. La mégalomanie et la paranoïa de Reich ne firent que s'amplifier avec l'âge et les multiples disgrâces publiques qu'il connut.
De même, si Reich fut victime de nombreuses persécutions sous des accusations fallacieuses (incitation à la débauche, espionnage pour le compte des soviétiques...), il n'en reste pas moins qu'il trempa dans des affaires louches (certains de ses collaborateurs de l'Orgonon furent accusés d'attouchements sexuels sur des patients mineurs à l'époque des faits) et qu'il prétendait pouvoir guérir des maladies graves comme le cancer à l'aide de techniques à l'efficacité non démontrée.
Point de vue scientifique sur les théories de Reich
Les théories de Reich sur l'orgone sont unanimement considérées dans la communauté scientifique comme relevant de la pseudo-science.
Bien que Reich ait toujours été désireux d'ouvrir ses recherches aux autres scientifiques afin d'obtenir leur validation (comme en témoigne sa courte collaboration avec Einstein), les observations d'orgone ou de bions qu'il a réalisées n'ont jamais pu être reproduites par d'autres personnes dans un cadre expérimental.
A l'heure actuelle, l'orgone n'a jamais pu être mise en évidence, observée ou mesurée de façon satisfaisante, ce qui est difficilement explicable si cette énergie est censée interagir avec la matière.
Les premières critiques formulées par la communauté scientifique à l'encontre de Reich ont commencé dès les années 30, avec la publication de ses théories sur le cancer. La capacité de Reich à mener à bien des expériences de biologie et de médecine a été souvent questionnée.
Lorsque Reich dévoila en 1938 ses travaux sur les bions et leur influence sur le cancer, les médecins norvégiens Leiv Kreyberg et Theodor Thjøtta, qui eurent accès à ses préparations n'y trouvèrent aucun bion... mais de nombreuses bactéries staphylocoques quelconques provenant d'une contamination aérienne. Ce constat conduisit Kreyberg à affirmer dans la presse nationale que Reich s'y connaissait moins en anatomie et en bactériologie qu'un étudiant de 1ère année en médecine.
Reich semble avoir été peu précautionneux, comme le montre l'échec de l'expérimentation ORANUR. En outre, ses protocoles manquaient de rigueur, ne permettant pas d'écarter de nombreux biais expérimentaux comme Einstein l'avait lui-même observé en 1941. Reich procédait de façon hasardeuse, les défauts dans les protocoles de ses expériences le conduisant à obtenir des résultats dénués de sens mais qu'il s'évertuait à expliquer malgré tout par les propriétés magiques de l'orgone.
Un accumulateur d'orgone, porte ouverte et fermée. L'intérêt thérapeutique d'une telle machine n'a jamais pu être démontré
(Source : Gulpen)
De la même façon, le fonctionnement des divers montages dérivés de ces théories (accumulateur d'orgone, cloudbuster...) n'a jamais pu être démontré.
Ils sont considérés comme des fraudes par de nombreux sceptiques qui ont critiqué la naïveté simpliste de leur fonctionnement... et à plus forte raison, des fraudes potentiellement dangereuses pour la santé des utilisateurs, puisque Reich prétendait pouvoir guérir des maladies graves comme le cancer avec certains appareils.
Au cours des dernières années de sa vie, Reich était devenu manifestement paranoïaque. Les travaux qu'il a publiés à partir des années 50 mettant en avant la théorie d'une invasion extraterrestre sont considérés comme farfelus et peu crédibles... y compris par les sympathisants de Reich, qui s'y réfèrent très peu.
A l'un des biographes de son père, le fils de Wilhelm Reich, Peter Reich dit à son sujet :
« C'était un scientifique du XIXème siècle ; il n'était pas un scientifique du XXème siècle. Il ne pratiquait pas la science telle que les scientifiques d'aujourd'hui le font. C'était un esprit du XIXème siècle qui s'est crashé dans l'amérique du XXème. Et boum ! »
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Noms alternatifs : le prénom de Wilhelm Reich est parfois anglicisé en William Reich
Localisation : Wilhelm Reich est né à Dobzau en Ukraine, et est décédé à la prison fédérale de Lewisburg, Pennsylvanie aux USA
Date de naissance et de mort : 24 mars 1897 - 7 novembre 1957
Bibliographie :
- Adventures in the Orgasmatron : How the Sexual Revolution Came to America (2011) de Christopher Turner. Ed. Farrar, Straus and Giroux.
- Fury On Earth: A Biography Of Wilhelm Reich (1994), de Myron Sharaf. Ed. Da Capo Press.
Liens complémentaires :
- Wikipedia [en]
- Wilhelm Reich et l'orgone [fr]
Articles connexes :
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Auteur : Ar Soner
Mise en ligne : 23/12/15
Dernière modification : le 03/01/16 à 21:33
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