J'ai toujours été très dubitatif vis à vis du survivalisme « à l'américaine », à plus forte raison en France. Outre le fait que ce type de survivalisme repose sur une mentalité délétère où l'autre est avant tout perçu comme un ennemi contre lequel on va se retrouver en compétition pour les ressources, il n'est pas concevable
de toute façon de vivre comme un chasseur-cueilleur dans nos vertes contrées. Même dans le fin fond de l'Ariège ou de la Corrèze : notre environnement est bien trop dégradé et anthropisé. Nous ne vivons plus du tout dans le même monde que nos ancêtres d'il y a 10 000 ans.
Le survivalisme en mode « retour à la terre, je cultive mon petit lopin » est davantage réaliste. L'agriculture vivrière n'a rien de compliqué (comme le dit un personnage de Kaamelot :
« Quand on veut être sûr de son coup, mon petit bonhomme, on plante des carottes, on ne joue pas aux chefs d'état ! »)... En revanche, elle garantit seulement d'avoir des assiettes un minimum remplies ; elle ne permet pas (ou mal) d'élever son niveau de vie et d'accéder aux biens de conforts et aux services.
Chimère a écrit:
Je ne sais pas si c'est "obligatoire" d'être absolument autonome en tout... Je veux dire, si on part du principe que chacun à ses propres talents et capacités... de la même manière que tout le monde ne peut pas être médecin ou pianiste, je suppose que tout le monde ne peut pas être efficacement "agriculteur", c'est une activité à plein temps en soi... et si un groupe humain a besoin de se nourrir, il n'a pas besoin QUE de se nourrir.
Enfin, je vois pas comment ça peut être possible d'être totalement autonome en fait... ça oblige à maîtriser beaucoup trop de paramètres pour une seule personne...
Je suis tout à fait d'accord avec toi. C'est pour cette raison que la voie la plus pertinente me semble être de revenir à la situation du début du XXème siècle, où la majorité des gens du peuple cumulaient un petit potager vivrier avec une activité artisanale ou commerciale quelconque.
Cela laisse la porte ouverte aux diversités de compétences et ça permet de conserver des réseaux commerciaux (pour amener du sel aux montagnards et des fruits de mer aux Auvergnats, comme le disait Cid).
Mais je suis convaincu qu'il n'y aura pas besoin de pousser la société pour garder des réseaux d'échange, cela se fera tout seul. Le commerce existe depuis des temps immémoriaux, même dans les sociétés les plus « primitives » et je ne le vois pas disparaître de sitôt. Les biens d'origine lointaine vont juste redevenir plus rares et plus chers.
Le véritable challenge à mon sens est plutôt d'arriver à amorcer un véritable « exode urbain » (l'inverse de l'exode rural), parce dans un contexte d'effondrement — progressif ou immédiat, les grandes mégalopoles avec du béton à perte de vue n'ont absolument aucun avenir.
Dragomath a écrit:
Question bête : est-ce qu'il y a assez de terre agricole sur Terre pour que chacun fasse pousser de quoi se nourrir ?
Dans un scénario « chacun à son lopin de terrain » ? Ça serait compliqué.
Comme la question m'intéresse et qu'il se trouve par pur hasard que c'est mon domaine de travail, j'avais calculé qu'une famille de 4 - 5 personnes vivant en autosuffisance, ayant un mode d'alimentation et des rendements agricoles similaire à ceux qu'on avait en France au début du XXème siècle nécessitait entre 1 ha et 1,5 ha de terre.
Les terres arables sur notre planète représentant actuellement 5 milliards d'ha, et le chiffre peut encore être potentiellement agrandi en poursuivant le défrichement de certaines zones (avec quelles conséquences environnementales, là, c'est une autre histoire...).
Donc, à l'heure actuelle et avec une population de 7 milliards d'humains, c'est possible. Dans un scénario à 10 milliards d'humain (vers lequel on se dirige gaiement), c'est beaucoup moins évident.
On peut aussi imaginer que les humains « survivent » plus chichement sur de plus petites surfaces. Je ne sais plus qui disait que les lapins et les pommes de terre avaient sauvé la France de la famine pendant la Seconde Guerre Mondiale.
Pochel a écrit:
Plus sérieusement, je sais que le Japon médiéval manquait déjà de terres agricoles. Avec une population aujourd'hui vraiment plus importante, et une superficie égale, on peut donc affirmer que le Japon ne peut pas nourrir ses habitants.
C'est vrai mais il ne faut pas oublier qu'à l'époque médiévale, une grande partie du Japon n'était pas défrichée — notamment toute l'île d'Hokkaido. Cela s'est fait beaucoup plus tard, pendant l'ère Meiji, via l'attributions de terres à des colons wa (quand ils n'étaient pas envoyés à Hokkaido par la force).