Je devais avoir 20 ou 21 ans. Ma grande amie de toujours avait, tout comme moi, vu
Le projet Blair Witch lors de sa sortie au ciné et avait adoré.
A cette époque, cette amie vit dans un petit studio chez l'habitant (dans une sorte de dépendance) à la Chapelle-sur-Erdre (pour ceux qui ne connaissent pas le coin, c'est une petite ville à côté de Nantes). Un soir, elle m'invite chez elle et me dit: "Métro, j'ai loué
Le projet Blair Witch, on pourrait se le refaire!". Ni une ni deux, très enthousiaste, je fonce.
Tandis que j'arrive chez mon amie et qu'on se met devant le film, la tempête se lève. On est en hiver, il fait un froid de canard, c'est la nuit noire et le décor est lugubre. La maison dans laquelle réside mon amie est isolée. Pas de voisins directs. Les minutes passent et le vent souffle de plus en plus fort. Ambiance.
On regarde le film et l'angoisse monte. Le contexte s'y prête merveilleusement. On a presque l'impression d'une mise en abyme. Un film d'horreur dans le film d'horreur.
Dehors, des bruits sourds se font entendre. On n'arrive pas vraiment à définir de quoi il s'agit et on ne fait pas les malines... Mais le film se termine, l'heure tourne, et vient l'heure de rentrer.
Il faut que j'aille dans le jardin - désert et entièrement noir - reprendre mon véhicule. Mon amie m'accompagne avec une lampe torche au bas des escaliers qui mènent à son studio puis me laisse finir les derniers mètres seule. Elle remonte les marches 4 à 4 et s'enferme bien vite chez elle.
Pendant ces quelques secondes (minutes?) seule, j'entends du bruit. Beaucoup (trop) de bruit(s), que je suis incapable de définir. Il y a évidemment le vent qui souffle très fort et s'engouffre dans les grands sapins, mais il n'y a pas que ça. J'entends aussi comme de la tôle qui claque (rien d'improbable pendant une tempête, mais c'est impressionnant) et j'entends également... des voix et comme des gens qui courent et qui semblent être plusieurs, voire même assez nombreux. Ne me demandez pas comment je peux prétendre avoir entendu des gens courir avec tout ce bruit, je ne peux pas l'expliquer moi-même. Ni même l'affirmer. C'est juste ce que j'ai eu l'
impression de distinguer, en toute sincérité. Une chose est sûre, je suis seule dans la nuit noire, c'est la tempête, mais je ne me sens pas seule. J'ai l'impression qu'il y a des gens autour. Mais bien sûr, il n'y a personne. Et résonnent toujours ces bruits de l'enfer que je ne sais pas identifier ni nommer.
J'ai peur comme jamais, je tremble.
Je monte dans ma voiture et allume la radio illico, histoire de détendre l'atmosphère. J'essaie de me ressaisir, souffle un grand coup et démarre bien vite. Pas d'éclairage public aux alentours pendant de longues minutes, je suis en pleins phares. La route me semble interminable et je peine à me remettre de mes émotions. Mais plus je me rapproche de Nantes, plus je me détends. L'éclairage urbain est bientôt de retour et je retrouve finalement les routes que je connais bien. Toujours un peu sous le choc de ce que je viens de vivre, j'essaie d'analyser un peu à froid ce qui s'est passé et de me dire que, décidémment, je suis très impressionable, qu'il faut que j'arrête de me faire des frayeurs pareilles et que tout ça était dans ma tête.
J'arrive chez moi, mon téléphone sonne. C'est mon amie au bout du fil. Elle n'en mène visiblement pas large et me dit: "Tu as bien rentrée, Métro?!". Je la rassure immédiatement et lui confirme que je suis rentrée sans encombre. Là, elle me dit: "Non, mais Métro, c'était quoi ces bruits de dingue quand tu es partie? Tu as entendu? C'était surréaliste! Ca fait des mois que je vis ici et je n'ai jamais rien entendu de tel! Tu as dû avoir une sacrée peur!!".
C'est à ce moment-là que j'ai compris que tous ces bruits étranges, la tôle, le vent (bon, ça, évidemment), les voix, les gens, elles les avaient entendus aussi. Par contre, elle n'a pas parlé de voix ou de gens. Juste de bruits très forts et inqualifiables, mais suffisamment impressionnants dans tous les cas pour qu'elle juge nécessaire de m'appeler et d'échanger avec moi pour savoir si j'avais perçu la même chose.
Conclusion: ni elle ni moi n'avons jamais vraiment compris ce qui s'est passé ce soir-là, mais il nous arrive encore d'en reparler 15 après en rigolant et en se disant qu'on s'est quand même fait une drôle de frayeur... en même temps qu'un souvenir bien marrant avec un peu de recul.
THE END.