Je n'aurais probablement pas dit les choses comme ça et j'aurais sûrement essayé d'arrondir les angles et de nuancer un peu par endroits, mais je reconnais que je suis assez d'accord dans le fond avec ce que vient d'écrire Richie.
D'après moi, on ne peut pas raisonnablement dénoncer d'un côté d'une émotion à géométrie variable et de l'autre dire que les américains victimes du 11 septembre l'avaient bien cherché. Cela quand bien même je comprends pourquoi c'est dit et quand bien même il y a un fond de vrai.
Ou alors, dans ce cas, autant dire que les dessinateurs du Charlie aussi l'avaient bien mérité? (Ou bien, dans le cas contraire, il faudra m'expliquer où on met le curseur?)
Et peu me chaut personnellement que l'on me taxe d'être dans l'émotion. C'est entièrement assumé et je n'en n'ai pas honte. Car je crois que l'émotion - trop souvent considérée comme notre ennemi et pire conseiller - est en réalité et à mon sens
aussi (et peut-être surtout?) tout ce qui fait notre humanité et qu'elle est le vecteur de tas de choses formidables quotidiennement.
Je le redis: je ne peux m'empêcher de me dire que non, les presque 3000 américains qui sont morts ce jour-là n'avaient décidément rien demandé ni rien cherché. Pas plus que les plus de 6000 blessés* (qu'on oublie souvent) et dont la vie a été irrémédiablement impactée.
(*Ici, j'ai une pensée particulière pour une victime du 13 novembre qui raconte s'être mise à pleurer lorsqu'elle a appris à son réveil qu'elle avait été amputée d'un pied et à qui les médecins ont répondu, presque goguenards, qu'il ne fallait pas se mettre à pleurer parce qu' "on vivait très bien sans pied aujourd'hui"... Euh, oui, probablement, mais enfin on voit bien que ce n'est pas eux qui auront dorénavant à vivre avec les conséquences de cette amputation, quoi...).
Et je ne vous parle même pas
des gens qui, aujourd'hui encore, meurent des suites du 11 septembre. On ne saura jamais précisémment combien ces attentats ont réellement fait de victimes au final.
Et puis 3000 morts d'un coup (et en direct!), c'était affreusement marquant et spectaculaire. On a sûrement toutes et tous encore en tête la photo de "The Falling Man" ou encore l'appel désespéré d'une prisonnière des tours à qui la standardiste secouriste a répondu de faire sa prière quand celle-ci la suppliait de l'aider (spoiler:
Non, décidément, le 11 septembre était vraiment une date diabolique.
Imaginez un instant que le détournement du vol 8969 en 94 se soit déroulé comme prévu initialement, à savoir que les pirates soient parvenus à cracher l'engin sur la tour Eiffel: ça aurait fait bien moins de morts, n'est-ce pas? Pourtant, je demeure convaincue que nous en reparlerions avec beaucoup d'émotion aujourd'hui. C'est de l'attentat "spectacle" et "spectaculaire" et il me semble que c'est humain de s'en émouvoir. (Mais qu'on se comprenne bien: je ne jette aucunement la pierre à celles et ceux qui s'en fiche: chacun réagit comme elle/il veut et surtout comme elle/il peut).