En effet, l'Halloween telle que nous la fêtons actuellement (ou tout du moins, telle que les Américains la font) n'a vraisemblablement que très peu de rapports avec l'antique Samhain des Celtes... au sujet de laquelle on ne sait peu de choses : on sait qu'il s'agissait d'une fête célébrée en novembre (d'ailleurs en gaélique irlandais et écossais moderne,
samhain signifie précisément "novembre"), et marquant l'entrée dans l'hiver. Rien de plus.
Cela dit, les peuples germaniques en possédaient eux aussi un équivalent. Samhain serait donc plutôt une fête propre à la culture indo-européenne.
Le Samhain/Halloween fêtée par les Irlandais et les Ecossais à partir du Moyen-Age est probablement un mélange de cette tradition celtique d'une part, et de la tradition anglo-saxonne d'autre part...
C'est notamment à ces derniers (les anglo-saxons) qu'on devrait la coutume du déguisement en spectre, ainsi que celle du Jack O'Lantern (qui était un gros navet et non pas une citrouille, à l'origine). A cela, s'ajoutait une dimension agraire : on faisait passer le bétail entre deux brasiers et un prêtre le bénissait (parfois même on sacrifiait des animaux dont les os étaient jetés dans le feu), qui elle pourrait être de source celtique.
Cela dit, Halloween n'est pas propre au Royaume-Uni, à l'Irlande et aux USA ; des variantes ont été célébrées anciennement dans toute l'Europe avant de disparaître petit à petit. Mon grand-père, qui est un lorrain pure-souche de la Meuse, se souvent avoir vu creuser des navets et des rutabagas durant la Toussaint, dans les années 30... alors qu'officiellement, Halloween n'est arrivée en France qu'en 1996.
Alecto a écrit:
Pourquoi Samain a t-elle perduré, même atrocement travestie? Qu'avait donc cette fête de particulier pour marquer ainsi les esprits?
Je pense qu'il faut surtout remarquer que Samain n'est absolument pas un cas isolé, puisque de nombreuse fêtes païennes n'ont pu perdurer que parce qu'elles furent reprises par le christianisme.
Pour n'en citer que deux : Noël fut fêtée sous différentes formes par presque tous les peuples européens (les Saturnales à Rome, notamment, et Yule chez les germains), tandis que Pâques est d'origine celtique (fête de Beltaine) et germanique (fête d'Ostara, qui a donné les mots
Eastern en anglais et
Ostern en allemand).*
Partant de là, le cas de Samain (et Halloween, son équivalent moderne plus ou moins éloigné) n'a rien de très particulier ni extraordinaire.
* D'ailleurs, Pâques est un peu la contrepartie "positive" de Halloween :
- elles sont toutes les deux à l'opposé du calendrier : Pâques est à mi-chemin entre l'équinoxe de printemps et le solstice d'été, et Halloween se situe entre l'équinoxe d'automne et le solstice d'hiver.
- si Halloween (et Samain) marque le début de l'hiver, donc d'une période sombre et vouée à la mort, Pâques (et Beltaine) marque au contraire l'arrivée du printemps, le retour de la lumière, la reprise de la Vie avec la croissances végétaux et la mise à bas des animaux...
- Pâques (ou ses nombreux avatars) se fêtait traditionnellement d'une façon très similaire à Halloween, des groupes de jeunes gens déguisés allant faire le tour des maisons pour réclamer des oeufs et des victuailles diverses (voir la tradition des momeries en Angleterre et des rameaux en France).
Alecto a écrit:
Pour les anglophones, il existe apparemment un "ordre des bardes, ovates et druides" tout à fait contemporain:http://www.druidry.org/modules.php?op=modload&name=PagEd&file=index&page_id=147
Je suis une quiche en anglais, donc je ne peux pas vous dire si c'est sérieux.
Il y a une multitude de mouvements néo-druidiques au Royaume-Uni.
Je ne connaissais pas celui-là, les plus célèbres sont le Druid Order (anglais, créé au début du XVIIIème siècle) et la Gorsedd (gallois, créé à la fin du XVIIIème siècle).
Il faut savoir qu'à l'époque, les artistes romantiques nourrissaient un grand intérêt pour tout ce qui touchait à l'ancienne civilisation celtique. L'idée d'un glorieux passé idéalisé, avec de braves guerriers nourris de la spiritualité saine et tolérante des druides enflammait leur imagination - à plus forte raison que la société pré-victorienne n'était pas un modèle d'ouverture d'esprit et de liberté de culte...
Ces groupes néo-druidiques n'avaient de fait que très peu de rapport avec l'ancienne religion des celtes (qui était encore très mal connue au XIXème siècle), ils calquaient davantage leur fonctionnement et leur philosophie sur la franc-maçonnerie anglaise. Les choses n'ont pas forcément beaucoup changé depuis...
Il y a quelques mouvements de ce type en France, le plus connu étant la Gorsedd bretonne (
Goursez Breizh), ou Fraternité des Druides, Bardes et Ovates et de Bretagne (
Breudeuriezh Drouized, Barzhed hag Ovizion Breizh), qui lui est plus récent puisqu'il a été fondé en 1899. La Gorsedd bretonne possède de forts relents nationalistes, militant pour la protection de la langue et de la culture bretonne (parfois bien malgré elles...), là où les autres mouvements d'outre-Manche sont plus neutres et apolitiques.
Quand à savoir si les groupes néo-druidiques ont un réel lien avec l'ancienne tradition celtique... Ce n'est manifestement pas le cas, puisque le druidisme a disparu parallèlement au déclin de la société celtique, subsistant encore dans quelques régions reculées comme en Irlande jusqu'au Vème siècle, avant de s'éteindre définitivement avec l'implantation du christianisme dans l'île.
Et quand bien même il y aurait eu "rupture" dans la transmission de cette tradition... Dans la pratique, les néo-druides ne s'inspirent que très peu de la religion celtique ; il ne sera ainsi jamais fait allusion au dieux celtiques, ni à la mythologie ancienne et à ses concepts. Certains groupes imposent même la croyance en Dieu, comme c'était encore le cas de la Gorsedd jusque dans les années 40.
Les autres présentent surtout un gloubi-boulga de croyances de type néo-paganistes (déesse mère et dieu cornu, respect de la terre et de la forêt, etc), ayant franchement peu de liens avec la religion des anciens Celtes (ou celle de n'importe quel peuple "païen" antique, en toute rigueur).
En gros et pour être un peu piquant : l'authenticité celtique des néo-druides se limite à se réunir dans la forêt de Paimpont en robe blanche pour aller cueillir du gui, et à chanter en (mauvais) breton tout en grattouillant une harpe...